
Nous ne savons plus nous exprimer en 3D.
En trois dimensions.
A force d’avoir la tête plongée sur des surfaces lisses – ordinateurs, tablettes ou écrans TV – notre perception des choses s’est aplatie sans que nous nous en rendions compte.
A tel point que, lorsqu’il est question de prendre la parole face à une audience, nous ne nous exprimons plus qu’en 2 dimensions. Nous sommes face au public, le mental en avant, et nous n’avons plus conscience de ce qui se passe derrière nous ou sur les côtés. Nous ne sentons même plus la scène sous nos pieds.
La dimension spatiale de notre existence ne nous est plus accessible et notre être se réduit, le temps d’une de prise de parole en public, à une feuille de papier sur laquelle notre texte est écrit.
Nous ne savons même plus nous situer sur scène et nous n’accordons aucune importance à notre ressenti physique et physiologique au regard de ce qui se trame autour de nous, à 360°.
Au moment de la féliciter, combien de managers s’expriment sans prendre réellement en compte l’équipe qui est située physiquement derrière eux et dont ils vantent les mérites ?
L’avantage de la pratique du théâtre en complément des techniques oratoires permet justement de prendre en compte la profondeur de la scène et de réaliser tout l’espace vital à notre disposition pour exprimer notre propos. Cet espace contient tout le volume d’air pour donner du volume à notre propos.
Ceci dit, quel orateur est capable d’utiliser les diagonales d’une scène ?
Généralement, l’orateur se lève, se place derrière un pupitre, dit son texte. Puis s’en va.
La profondeur de scène donne de la profondeur au discours.
Est-il possible d’imaginer qu’un décideur invite ses collaborateurs à plus de dynamisme en vantant les mérites de la mobilité alors que lui-même sera statique, bloqué derrière un pupitre au moment où il prononcera ces mots ?
La cohérence et l’incarnation du propos passent aussi par notre capacité à nous positionner de manière cohérente, authentique et équilibrée dans l’espace. La qualité de la prise de parole dépend aussi de notre capacité à maîtriser l’espace scénique, à le ressentir, à se l’approprier, tel un espace de vie.
La scène est un espace de vie qui accueille des humains.
On l’oublie souvent : une prise de parole en public est un moment de rencontre entre un humain et d’autres humains.
Il est primordial de nous souvenir que nous sommes avant tout des êtres évoluant en 3 dimensions.
Nous nous déplaçons en 3D comme nous respirons en 3D.
La terre n’est pas plate. Nous non plus.
Comment faire confiance à un orateur dont le corps sera complètement collé au fond de scène avec une cage thoracique écrasée entre ce fond de scène et la feuille de papier qu’il aura à la main ?
C’est une attitude classique : le corps fuit la confrontation avec ce vide si angoissant qui le sépare de l’audience. L’orateur est concentré sur le fait de lire son texte et ne se rendra même pas compte qu’il aura mis son audience en apnée.
C’est une fois connecté à soi, à notre respiration, à notre propre organisme ainsi qu’à l’espace physique dans lequel nous évoluons que nous révélerons le meilleur de nous-mêmes en tant qu’orateur.
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