La Prise de Parole en Public : Prise de Risque, Lâcher-prise et Tutti-Quanti

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Entre 2015 et 2019 j’ai eu la chance de jouer mon premier One Man Show « Soyons Nous-Mêmes ! » une centaine de fois, et dans 6 villes différentes. Pour un spectacle auto-produit, lorsque vous n’êtes pas connu, c’est très honorable.

Je ne m’en suis pas si mal sorti.

Pour ceux qui ne connaissent pas l’univers du théâtre et de la scène vous pourriez vous dire qu’au bout de 100 représentations l’on finit par ne plus rien sentir avant de monter sur scène. Que tout cela devient très naturel et que l’on se place devant un public et derrière un micro comme l’on va au bureau le matin.

Bien entendu, la réalité est tout autre.

Combien de fois ai-je senti mon esprit pris par des pensées toxiques 5 minutes avant que le rideau ne se lève ? Combien de fois suis-je retourné aux toilettes alors que je venais d’en sortir 10 minutes plus tôt ? Combien de fois me suis-je retrouvé derrière le rideau, avant de monter sur scène en me disant « Mais qu’est-ce que je fais ici ? Je pourrais pas être chez moi tranquille ? « 

Incroyable non ? Vous luttez 3 mois pour obtenir une date dans un théâtre et lorsque vous y êtes, vous avez envie de fuir.

C’est normal. C’est de la pression, du stress. Mais du bon stress. Pas celui qui vous paralyse : celui qui vous fait sentir que quelque chose d’important va se jouer.

Lorsqu’un enjeu est là, il est normal de monter en pression non ?

C’est cela qui nous mobilise, qui nous fait nous centrer pour être sûr de donner le meilleur. Pour votre information : si vous rencontrez un humoriste qui vous dit qu’il ne ressent rien avant de monter sur scène, c’est que soit il est fou, soit il est mauvais. Jacques Brel, malgré son talent et sa maîtrise de la scène vomissait régulièrement avant de monter sur scène.

Heureusement, cela ne dure pas. Au moment où le rideau se lève et que vous mettez le pied sur scène, tout disparaît. Vous vous retrouvez exactement là où vous devez être et tout vous semble naturel. Le spectacle commence, le texte sort naturellement et vous ne pensez plus à rien.

En cela, monter sur scène correspond au fait de faire un saut en parachute. Plus l’avion monte, plus vous montez en pression. Et quand vous sautez, la libération apparaît et il n’y a plus qu’à vivre l’expérience.

Prendre la parole en public est une prise de risque.

Vouloir supprimer ce risque, pour se rassurer, en essayant de tout contrôler amène au replis sur soi et à la paralysie. Vais-je oublier mon texte ? Vais-je bafouiller ? Va-t’on me contredire ? Va-t’on se moquer de moi ?

Que d’inconnues n’est-ce pas ? C’est pour cela que tant de personnes ont peur de prendre la parole en public.

Pourtant cette part d’inconnu est nécessaire et incontournable. Elle fait partie de l’aventure. Elle est le sel de la vie. Sans elle, il n’y aurait pas d’intérêt, il n’y aurait aucune vibration et nous nous ennuierions très vite.

Peut-on prendre la parole en public tout en étant blasé ?

Comment peut-on espérer inspirer, convaincre ou divertir une audience avec un discours maîtrisé, banalisé, qui ne nous ferait rien ressentir et dans lequel il n’y aurait aucune part d’inconnu ?

Prendre la parole en public, c’est comme un saut en parachute : nous savons que nous avons un parachute, mais il faut malgré tout sauter dans le vide.

C’est pour cela que de nombreux orateurs cherchent à utiliser la méthode des autres. En faisant comme les autres, nous nous rassurons.

C’est un constat que je fais : à force de lire ci et là « les 10 conseils pour réussir sa prise de parole » ou « La méthode ultime pour réaliser le pitch parfait », tout le monde fait le même discours. Tout le monde présente le même diaporama. Tout le monde réalise le même pitch.

Ils veulent tous être différents mais en utilisant le même mantra « Think different ».

They say « Think different » but they just say it. They don’t do it.

Il n’y a quasiment plus de prise de risque.

Lorsque 100 personnes utilisent tous la méthode « Les 10 règles pour devenir original », ils deviennent tous identiques.

Tous les startupers sont tellement verrouillés par les enjeux liés au fait qu’ils veulent trouver des financements, qu’ils appliqueront scrupuleusement les mêmes méthodes de pitch afin d’être sûr de leur coup. Comme prétendre favoriser une démarche d’innovation en tant que startuper tout en voulant être sûr de son coup ?

C’est un des travers de notre époque : tout le monde veut être original, mais en faisant comme tout le monde, pour ne pas déplaire.

Cela est vrai aussi chez les humoristes. Toujours les mêmes types de sketch : Une blague sur les hommes et les femmes ? Une blague sur le chariot du supermarché ou sur le téléphone portable ?

Tout le monde veut gagner mais sans prendre le risque de perdre.

Tout le monde veut être unique mais en étant comme tout le monde. Pour ne pas trop être à la marge.

« Think outside the box » says the mentor. I’d rather say : « DO outside the box ».

Quand vous prenez la parole en public, vous sautez dans le vide.

Lors de mes spectacles, alors que j’ai préparé une super vanne à tel endroit, j’aurais un silence glacial en réponse. Et parfois, miracle de la vie, j’aurai un vrai fou rire collectif dans l’audience à un moment que je n’attendais pas.

C’est normal : le public a le droit de réagir comme il le souhaite en fonction de son état émotionnel.

Je ne peux pas contrôler la manière dont les gens vont réagir.

Je ne peux pas contrôler les conséquences de mes actes.

Cela s’appelle du lâcher-prise.

Et je ne vous donnerai aucune leçon de lâcher-prise.

Vous voulez lâcher-prise ?

Prenez la parole en public.

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