On devrait expliquer cela immédiatement à tous les orateurs en devenir : prendre la parole en public, c’est avant tout se taire.
Tout d’abord parce que sur 10 minutes d’exposé, personne n’a jamais dit qu’il fallait parler chaque seconde de chacune de ces minutes. Lorsque l’on vous accorde 10 minutes de parole, c’est un quota, une limite qui n’est pas rigide. Si vous parlez 9 minutes et 30 secondes, cela n’est pas catastrophique. Si vous parlez 11 minutes et 15 secondes, ce n’est pas grave non plus.
Le système scolaire nous a conditionnés pour que l’on ne dépasse pas du cadre lorsque l’on colorie. Mais nous ne sommes plus des enfants, non ?
L’audience ne peut encaisser 10 minutes d’exposé en continu. Il faut laisser du temps au cerveau de chaque personne dans le public pour assimiler chaque concept, chaque idée et se les approprier.
Debussy disait « La musique, c’est le silence entre les notes.«
Pour la prise de parole, il en est de même.
Ce sont les silences qui suivent les phrases qui sont porteurs de sens. Les grands orateurs, pour chaque discours qu’ils font, ont plus de temps silencieux au compteur que de temps parlé. Ils laissent plusieurs secondes passer après chaque idée forte. Les silences résonnent.
Le commun des mortels a plutôt tendance a vouloir remplir le vide : dire, dire, dire et rajouter, encore et encore. J’étais moi-même le genre d’orateur qui voulait en mettre de partout. Je parlais bien. Mais je parlais trop.
Parfois, je m’asphyxiais moi-même. Tout seul. Comme un grand. Les premières années où je jouais mon One Man Show « Soyons Nous-Mêmes ! » souvent les gens me disaient : « Laisse nous apprécier une vanne avant d’en envoyer une autre« . C’était mon état intérieur qui m’amenait à envoyer du texte sans discontinuer : j’étais en panique. Tout a changé quand j’ai commencé à laisser des respirations et que justement, j’ai appris à respirer.
Je vous parle là d’une respiration physique, ressentie dans les côtes, dans les muscles. Le fait de ressentir ma respiration de manière connectée à mon organisme a agi comme un interrupteur de pensées. Cela a calmé ma panique intérieure et cela m’a permis de m’installer dans le moment. Cela a augmenté ma présence sur scène et m’a permis d’être à l’aise avec les silences que je provoquais.
Créer un silence ne peut pas se faire mentalement. Car si l’on pense à « Je dois créer un silence« , on créé une pensée supplémentaire qui alimente le moulin à parole. On nourrit la panique intérieure. En revanche, si l’on apprend à respirer physiquement dans son corps, et que l’on entre dans sa respiration, par les narines on va pouvoir créer et asseoir un silence rassurant.
Le travail en théâtre et en expression corporelle m’a appris à m’exprimer par la respiration de diverses manière. On respire de manière légère pour du romantisme. De manière appuyée pour de la colère. On inspire largement lorsque l’on est soulagé, de manière sèche et coupée lorsque l’on est surpris et de manière saccadée l’on est passionné et enjoué.
J’ai donc appris à exprimer mes émotions par ma respiration. Mon organisme a intégré le fait que ma présence sur scène associée à ma respiration expriment déjà quelque chose. Cela m’a rassuré. J’ai compris que le silence n’est jamais vraiment le silence. La respiration donc est devenue pour moi un élément de communication.
Respirer donne de l’air à mon cerveau, au sens propre et au sens figuré.
Au delà du cerveau, en installant vos silences dans vos respirations vous pourrez atteindre le même résultat. Les muscles et organes vont s’oxygéner, le corps va s’ancrer en douceur sur scène, le silence va permettre à l’audience de laisser pénétrer le concept évoqué, de digérer les dernières idées. Le relâchement provoqué sur scène va permettre à l’audience de se détendre un peu plus. Chaque participant va entrer lui-même un peu plus dans son relâchement, dans sa détente, dans sa respiration.
Et cela augmentera la connexion établie avec le public.
Magique non ? On peut aussi créer une connexion par le silence.
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